Maintenant, pour
aborder le Parler d'Oran
proprement dit en l'explicitant, reprenons la fin
de l'avant-propos du 1er
volume de mon ouvrage :
De nombreux
termes, expressions ou locutions employés chez
les Pieds-Noirs sont d'origines méditerranéennes.
En Oranie et dans l'ouest
algérien, c'est naturellement l'espagnol qui prédomine,
parce que parlé depuis un millénaire. Il s'agit
souvent d'une approche phonétique, éloignée de
la langue mère, mais combien typique chez nous !
Le parler est une
singularité de peuplade remontant à la
nuit des temps, une sorte de passeport de clan
portant le sceau du langage commun. Du nôtre, on
ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un idiome, à
la manière alsacienne ; tout au plus un langage
idiomatique, un "parler franspagnol" si
l'on me permet cette expression. La syntaxe étant
d'essence française, seuls les vocables et les
locutions restent en majorité d'origine ibérique.
Pourtant, les Castillans ne nous comprennent pas
toujours lorsque nous causons avec eux et nous
ont surnommés, par dérision, "los cinco
cientos" (les cinq cents), ce gallicisme étant
notre façon d'exprimer chez eux, à la
française, le nombre espagnol "quinientos".
Certains mots ou
groupes de mots figés sont nés, comme l'argot
parisien, d'images descriptives si utiles dans la
communication. L'usage et le temps les ont
beaucoup déformés. Quelquefois il est
impossible d'en déterminer l'origine exacte. N'est-ce
pas alors une petite fierté que d'affirmer :
"C'est une expression typiquement oranaise
!" ?
Avec le brassage des
langues, de nombreux néologismes ont pris
tournure pour faire partie intégrante du parler
quotidien de nos régions et le lecteur ne m'en
voudra pas d'avoir, suivant les cas respecté la
phonétique au détriment de l'orthographe. Une
langue parlée est vivante comme une cuisine régionale
: elle est teintée d'accents nuancés, comme
peuvent varier les épices d'une même recette de
base, au gré des familles, de la géographie ou
des générations de cuisinières qui l'ont
transmise. Puisqu'il est question de cuisine, j'ai
pris plaisir à décrire quelques-uns de
nos délicieux plats oranais mais sans entrer
dans le détail des préparations ; bien des
auteurs sérieux l'ont déjà fait et d'autres
le feront encore longtemps, je l'espère bien.
Petite précision :
un Oranais est celui qui vit et demeure dans l'agglomération
d'Oran ; pour l'Oranien c'est identique, sauf qu'il
est originaire de l'Oranie ou province d'Oran,
vaste territoire s'étendant de la frontière
marocaine à l'ouest, jusqu'aux environs d'El-Asnam
(ex-Orléansville) ; soit à peu prés la
distance de Montpellier à Nice. L'Oranais (territoire)
concerne plutôt Oran et ses environs dans un
rayon de cinquante à cent kilomètres.
Oran a été le point
de départ de la colonisation de tout ce grand
pays et, depuis toujours, son pôle de
rayonnement. C'est pourquoi, sans parti pris, le
terme "oranais" sera quelquefois plus
employé que celui d'"oranien".
Amédée
MORÉNO
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